En visite à Toulouse, le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a observé les enjeux pressants de la filière aéronautique française. Alors qu’Airbus annonce des niveaux de production ambitieux, le secteur est confronté à des difficultés d’approvisionnement et à des problèmes de trésorerie, exacerbés par la guerre en Ukraine. Un premier plan de soutien de 780 millions d’euros avait déjà été mis en place, mais un nouveau fonds de 800 millions d’euros a été annoncé pour soutenir les équipementiers. La solidarité au sein de la filière, entre grands donneurs d’ordre et sous-traitants, apparaît essentielle pour surmonter ces défis et maintenir le dynamisme de cette industrie clé pour la région.
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EN BREF
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À Toulouse, le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, s’est retrouvé en première ligne face aux défis qui affectent l’industrie aéronautique. Au cours de sa visite à l’usine Saint-Eloi d’Airbus, il a plongé dans les réalités de cette filière essentielle, confrontée à la fois à un flot de commandes sans précédent, mais aussi à des difficultés d’approvisionnement préoccupantes et à des problématiques de trésorerie. La situation met en lumière l’importance de la solidarité au sein de la chaîne d’approvisionnement et les efforts concertés nécessaires pour traverser cette période de turbulences.
Un secteur sous pression
En visitant l’usine d’Airbus, qui est au cœur de la production aéronautique, Marc Ferracci a été témoin d’un paradoxe saisissant : alors que l’entreprise connaît un record de commandes, elle doit également composer avec des difficultés d’approvisionnement aggravées par la guerre en Ukraine. La situation est telle que les dirigeants de l’usine signalent souvent des éléments manquants sur les chaînes de montage, perturbant ainsi la production et le respect des délais impartis.
Une salariée présente sur place a partagé son souci : « Les fournisseurs souffrent. Aujourd’hui, nous pouvons avoir de 7 à 10 éléments manquants sur un mât réacteur, comme des fixations, ce qui bloque la livraison vers l’assemblage final de l’avion. » Cette réalité déconcertante souligne les conséquences de la dépendance à un système d’approvisionnement global vulnérable, rendant la filière particulièrement fragile face aux chocs extérieurs.
Un record de commandes face à la réalité du marché
En dépit de ces obstacles, Airbus affiche des résultats encourageants, ayant battu des records de commandes l’année précédente. Le constructeur prévoit d’atteindre une cadence record de 75 avions par mois d’ici fin 2026 pour l’A320. Cette ambition témoigne de la résilience de la filière, qui mise sur ses capacités d’innovation et d’adaptation pour surmonter les défis actuels.
« Nous avons une filière aéronautique véritablement conquérante », a déclaré Ferracci, soulignant que l’entreprise représente près de 29 000 emplois à Toulouse et 48 000 en France. Cette multitude d’emplois, cependant, est également menacée par l’incertitude économique et des problèmes de chaîne d’approvisionnement qui doivent être résolus rapidement pour garantir la pérennité des emplois.
La solidarité au cœur de la filière
Un thème central de la visite de Marc Ferracci a été la solidarité de la filière. Il a mis en exergue l’importance du soutien mutuel entre les grands donneurs d’ordre et les petits sous-traitants. « Quand certains sous-traitants rencontrent des difficultés, les grands donneurs d’ordre peuvent les aider financièrement ou en leur passant des commandes de matières premières pour traverser la tempête », a-t-il expliqué.
Pour soutenir cette solidarité, il a été annoncé la création d’un nouveau fonds de 800 millions d’euros adossé à un soutien de grands acteurs de l’aéronautique tels qu’Airbus, Dassault, Safran et Thales, en collaboration avec des institutions financières comme Tikehau, le Crédit Agricole et Bpifrance. Ce type d’initiatives est vital pour permettre aux fournisseurs de résister aux périodes difficiles sans sacrifier leur viabilité économique sur le long terme.
Le cas de Latécoère : une situation symptomatique
Un autre point majeur abordé par Ferracci est le suivi de l’entreprise Latécoère, un équipementier aéronautique historique. Cette entreprise, fondée en 1917, traverse actuellement une crise majeure, marquée par un endettement de plus de 125 millions d’euros à la fin de 2023. Sa situation met en lumière les défis structurels auxquels font face les équipementiers de la filière.
Latécoère a vu son management changer de manière répétée, avec l’arrivée de son huitième directeur général en dix ans. Ferracci a souligné la nécessité de la solidarité au sein de la filière pour freiner ce type de désordre et permettre à des acteurs comme Latécoère de se redresser. « Le nouveau management fait l’unanimité dans la filière, et nous pouvons envisager l’avenir avec une relative confiance », a-t-il déclaré.
Les enjeux de l’approvisionnement en matière première
Au cours de la rencontre avec le patron d’Airbus, Guillaume Faury, le ministre a également abordé les questions d’approvisionnement en titane, un métal stratégique pour l’aéronautique. Ferracci a insisté sur la nécessité de sortir de la dépendance aux importations de certaines matières premières, notamment celles en provenance de Russie, et d’opter pour des solutions visant à assurer une autonomie stratégique en Europe.
Cette autonomie des ressources est cruciale pour limiter les vulnérabilités et garantir la continuité de la production dans le secteur. Les conséquences directes de cette dépendance peuvent être désastreuses, comme l’ont montré les difficultés rencontrées durant la pandémie de Covid-19.
Les défis financiers des sous-traitants : le témoignage de Nexteam
La visite de Ferracci s’est également poursuivie chez Nexteam, un acteur clé de la sous-traitance aéronautique française, employant 2 200 salariés, dont un millier en France. La société prévoit de retrouver un chiffre d’affaires de 337 millions d’euros en 2024, atteignant ainsi son niveau pré-Covid. Toutefois, ces performances masquent des difficultés financières.
« Nous devons rembourser 174 millions d’euros de prêts garantis par l’État (PGE) contractés pendant la crise sanitaire, ce qui freine un certain nombre de nos investissements », a commenté le directeur général de Nexteam, soulignant ainsi la nécessité de redoubler d’efforts pour optimiser la gestion financière sans compromettre les capacités de production.
Un avenir à construire ensemble
Marc Ferracci a reconnu que, malgré ces défis, les entreprises peuvent se transformer et se développer. « La capacité de l’entreprise à retrouver un dynamisme en investissant dans le digital pendant la crise doit être saluée », a-t-il ajouté, encourageant ainsi les industriels à saisir des opportunités d’innovation même dans les moments les plus critiques.
L’avenir de l’aéronautique à Toulouse repose sur ce mélange de coopération, d’innovation et de résilience. Face à la conjoncture actuelle, il est impératif que toutes les parties prenantes, des donneurs d’ordre aux sous-traitants, travaillent ensemble pour bâtir une filière solide capable de naviguer à travers les incertitudes du marché mondial et de s’imposer comme un leader à l’échelle internationale.