La controverse entourant le fonds de soutien à l’aéronautique, dénommé « Aéro Partenaires 2 », met en lumière des tensions entre les principaux acteurs du secteur. Annoncé fin 2023, ce fonds vise une levée de 800 millions d’euros, avec des contributions notables d’Airbus (100 millions d’euros) et une implication plus limitée de Safran, Thales et Dassault Aviation. Les discussions entre ces grands donneurs d’ordre auraient été freinées par des divergences stratégiques quant aux cibles d’investissement, provoquant des retards dans son activation. Ce fonds est censé répondre aux besoins de financement de la filière, déjà fragilisée par la crise économique et des enjeux de production. Toutefois, le scepticisme prédomine concernant son efficacité, certains acteurs remettant en question la gouvernance et la capacité de ce fonds à remplir réellement son rôle de soutien à l’industrie aéronautique.
EN BREF
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Le fonds de soutien à l’industrie aéronautique, souvent considéré comme un outil essentiel pour le maintien et la relève des acteurs clés du secteur, fait face à des tensions et des désaccords significatifs. Airbus, en tant que leader du marché, se retrouve au cœur de cette controverse. Malgré sa contribution substantielle, les différences de visions entre les principaux donneurs d’ordre, la question de l’efficacité du fonds et l’absence de certains soutiens publics soulèvent des interrogations sur l’avenir de ce dispositif.
Une levée de fonds atteignant des objectifs discrets
Le récent fonds «Aéro Partenaires 2», géré par Tikehau Capital, se fixe un objectif de levée de fonds de 800 millions d’euros pour répondre aux besoins pressants de financement au sein de la filière aéronautique. À ce jour, le fonds a réalisé un premier closing de 425 millions d’euros, un niveau de financement jugé insuffisant par certains acteurs. Ce montant est loin des estimations initiales, et des acteurs comme Airbus, qui a apporté 100 millions d’euros, soulignent les lacunes des apports d’autres grands contributeurs tels que Safran, Thales et Dassault Aviation.
Un processus d’accouchement difficile
La mise en place de «Aéro Partenaires 2» a été ponctuée de difficultés et de retards. Annoncé en décembre 2023, le fonds aurait dû être opérationnel dès le premier trimestre 2024, mais son lancement a été retardé d’une année en raison de divergences entre les parties prenantes. Comme le souligne un certain nombre de sources : alors que ce fonds visait initialement à rassembler le secteur autour d’un projet commun, il s’est heurté à des tiraillements internes. Ce climat d’incertitude a provoqué des craintes quant à sa capacité à obtenir les montants nécessaires pour répondre aux urgences de la filière.
Les apports disparates des grands donneurs d’ordre
Le soutien financier apporté par chaque donneur d’ordre a créé des frustrations et des questionnements au sein du consortium. Airbus est indéniablement le plus gros contributeur, suivi de loin par Safran. D’autres acteurs, comme Thales et Dassault Aviation, n’ont offert que 10 millions d’euros chacun. Cette disparité dans les contributions financières renvoie à des désaccords stratégiques sur les cibles à privilégier. Pour Airbus, l’accent est mis sur l’appui aux PME ainsi qu’aux plus grands fournisseurs, tandis que les autres donneurs d’ordre semblent pencher vers un soutien principalement centré sur les petits sous-traitants.
Un scepticisme de la part des acteurs majeurs
Patrice Caine, le directeur général de Thales, s’est exprimé de manière plutôt sceptique vis-à-vis de la nécessité d’un gestionnaire de fonds. Il a souligné l’importance d’une approche plus autonome pour le soutien aux sous-traitants. Selon lui, un financement direct ne remplace pas une évaluation rigoureuse des entreprises, une opinion partagée par d’autres entrepreneurs du secteur. Dans ce cadre, l’idée que le fonds puisse être perçu comme un simple contributeur sans réelle stratégie d’accompagnement est de plus en plus remise en question.
Le rôle de l’Etat et les promesses non tenues
Un élément déterminant dans la controverse actuelle est l’absence de soutien de l’agence de participations de l’Etat (APE). Son refus d’intervenir dans ce nouveau fonds a suscité de vives critiques. La promesse d’un budget annuel de 300 millions d’euros pour le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) ne compense pas l’absence de participation active à «Aéro Partenaires 2». Cette désorganisation à l’échelon public soulève des inquiétudes quant à la stratégie globale de soutien à l’aéronautique.
Une vision partagée des enjeux de la filière
Le débat autour du fonds «Aéro Partenaires 2» transcende les simples chiffres et montants. Les opinions divergent sur les défis stratégiques du secteur. Certains dirigeants, proches de l’efficacité de ce fonds, le considèrent comme insuffisant pour sauver les «maillons faibles» de la filière. Au contraire, des sources proches de Tikehau défendent l’idée que le fonds n’a pas vocation à porter secours aux entreprises fragilisées, mais à investir dans celles capables de croître et de performer au sein d’un marché en pleine mutation.
Des questions d’efficacité et de gouvernance
Le scepticisme autour de l’efficacité du fonds «Aéro Partenaires 2» est amplifié par des préoccupations sur sa gouvernance. Les acteurs de la filière se sont interrogés sur les compétences et l’adaptabilité du fonds pour répondre aux besoins spécifiques de certaines entreprises. Alors qu’Airbus essaie de mobiliser les différents acteurs, les critiques internes sur la structure du fonds persistent. La suggestion de réévaluer la gouvernance pour optimiser son fonctionnement a été formulée par des consultants, pointant un besoin de repenser radicalement ce qu’est ce fonds et ses objectifs.
Un débat sur l’avenir du soutien à l’aéronautique
Instaurer un modèle de soutien efficace semble être un défi majeur pour la filière. Les échanges entre les donneurs d’ordre et l’Etat ont été infructueux jusqu’à présent quant à l’introduction d’un fonds alternatif, plus adapté à répondre aux attentes exprimées. Le secteur aéronautique, champion de l’innovation et de l’emploi, doit naviguer dans un environnement complexe, tant sur le plan économique que stratégique. Le fonds «Aéro Partenaires 2» pourrait être réévalué pour être un véritable levier de croissance dans des circonstances plus favorables.
Des conséquences sur le soutien aux sous-traitants
Les sous-traitants, souvent classés parmi les «maillons faibles», font face à une incertitude croissante. Leur besoin de financement pour maintenir leur activité n’a jamais été aussi crucial qu’à l’heure actuelle. Entre la nécessité de rembourser des prêts garantis par l’Etat (PGE) et d’investir dans des infrastructures pour réaliser des cadences de production plus élevées, les sous-traitants se trouvent dans une posture délicate. Ce manque de soutien financier pourrait entraîner des défaillances inéluctables, ce qui serait préjudiciable pour l’ensemble de l’écosystème aéronautique.
Vers une redéfinition des termes du soutien à l’aéronautique
La crise actuelle du fonds «Aéro Partenaires 2» appelle à un examen approfondi des modèles de soutien à la filière aéronautique. Airbus, malgré ses efforts pour rassembler les différents acteurs autour d’une cause commune, doit composer avec une culture d’entreprise héritée d’un complexe système industriel. Il devient impératif d’aligner les intérêts divers et souvent contradictoires des parties prenantes pour redéfinir le cadre et la portée de l’aide apportée aux entreprises, en permettant ainsi à l’industrie de se stabiliser et de prospérer.